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    Patchouli
    Si on veut se dépayser sans se déplacer, on peut respirer le patchouli (le vrai) : on se retrouve en pleine forêt de Malaisie. L’odeur est terriblement exotique, dépaysante, déstabilisante, déroutante : on perd tous ses repères olfactifs. Il faut s’habituer à cette odeur puissante, singulière, extrêmement riche, qui évolue constamment sur la peau, qui « bouge » presque. En lui-même, à lui seul, le patchouli est un composé, un complexe. On comprend qu’il puisse perturber, indisposer, agresser même : c’est une nature forte, riche, luxuriante, envahissante, entêtante, s’exprimant tout en volume, en sensualité, en ampleur. Vitale, à la limite carnassière, presque bacchanale.
    La note de tête, la plus volatile, dégage une odeur résineuse de bois vraiment étrange, camphrée, épicée, mais surtout très chargée, comme si elle était associée et enrichie, dans un bouquet, à d’autres parfums de plantes ou de fleurs dont on ne connaîtrait toutefois pas l’origine. En note de cœur, le parfum devient plus boisé, s’alourdissant davantage pour devenir presque âcre, curieusement terreux, ce qui le rattache encore davantage au sol, dont on sent qu’il tire, par tous les moyens, tel une racine avide, l’ensemble de ses forces. Au fur et à mesure que les effluves s’estompent, que la démonstration de puissance et d’envoûtement s’apaise, le patchouli se raffine, s’adoucit, devenant tendrement voluptueux sur la peau, mais toujours sauvage en filigrane, un peu à l’image d’un fauve qui, au pied d’un arbre, dans l’atmosphère un peu moite d’une fin d’après-midi, se prélasse et digère après avoir dévoré sa proie. Débordant, excessif, charnel, le patchouli doit, me semble-t-il, enchanter les natures débridées, extraverties, accaparantes, possessives, égocentriques, généreuses et épicuriennes. Tout un voyage.

    #50041
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    Cèdre du Maroc
    Fatalité des préjugés : songeant à la majesté impavide de l’arbre, je m’attendais à une résine robuste, franche, puissante. La senteur de l’huile de cèdre déroute, de prime abord, par sa douceur, sa légèreté, sa finesse. De surcroît, cette essence ligneuse ne sent pas vraiment le bois : on flaire plutôt une odeur de « daim », feutrée, veloutée, raffinée, légèrement miellée, délicatement fruitée (on pourrait songer à un zeste d’agrume), subtilement fleurie. L’odeur est suave, distinguée, mais sans ostentation. La note reste discrète, réservée, pudique même: elle est féminine. Paradoxe tout de même: comment un arbre aussi altier, imposant, massif (dont la racine arabe du mot – QDR – qui a donné le grec Kédros, évoque effectivement l’idée de force, de pouvoir, de puissance) se développe-t-il à partir d’une essence aussi fine ?
    En outre, la volatilité du parfum est étonnante : si on sort de la pièce où l’on est et que l’on y entre à nouveau, on constate que l’essence a embaumé la pièce, comme si on avait actionné un vaporisateur. L’huile de cèdre est aérienne : elle épouse l’air comme son parèdre, elle s’y dilate, s’y épanouit, s’y confond. C’est un parfum d’air, de cime, d’altitude, tout en évaporation, comme si la terre avait été oubliée. Paradoxe encore: comment une essence aussi légère a-t-elle nourri un bois aussi lourd, aussi résistant, aussi solide ?
    Avouons-le: nous sommes en pleine perplexité. On sent bien que, derrière cette candeur ouatée, doucereuse, un rien banale, se dissimule comme une profondeur invisible : après la note de tête, si plaisante, demeure une note de cœur, très apaisante, imprimant une profonde sensation de paix. Mais tout se passe en silence, de manière imperceptible. Nulle emphase, nul émoi, nulle lourdeur : tout est de grâce, en nuance, en légèreté, et du poids d’une plume. Il faut s’y faire : le répertoire olfactif est ici celui des Anges ; il ne touche pas le sol. Y a-t-il seulement une odeur à ce mystère ?
    L’esprit de ce parfum, de grande, de très grande sobriété, est de pure intériorité : il ne dit rien, n’exprimant que le silence ; il « est » ce qui ne peut se dire, devant se saisir par l’œil du cœur. Nous sommes ici dans l’essence du beau, non dans son apparence, car l’huile de cèdre est une essence, non un effet. Pour comprendre cet esprit, il faut s’identifier soi-même à sa nature. C’est ici tout son secret, que son évidence même dissimule : ne le perçoit que celui qui s’efface au point de s’y identifier.
    On pourrait faire de grandes déclarations en disant que « l’huile de cèdre est la quintessence du parfum spirituel », mais tout ceci ne serait que verbiage: nous ne sommes plus ici dans l’ordre des représentations, mais dans la nature même de la Réalité. C’est pourquoi l’huile de cèdre n’est pas une senteur « sacerdotale » (comme l’encens, la myrrhe, ou le santal). Elle n’exprime rien de spirituel : elle est sacrée par essence.

    #50042
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    Cèdre (suite)
    La qualité essentielle de l’huile de cèdre est sa pureté, qui s’exprime par sa « neutralité » olfactive. C’est très rare. La fonction ontologique de l’essence de cèdre est de ramener l’Être à lui-même. Les Hindous diraient qu’elle est « sattwâ», « conformité à la pure essence de l’Être universel, identifiée à la lumière intelligible » (définition de R. Guénon). L’essence de cèdre correspond à la nature du contemplatif pur, celui qui ne recherche plus rien, qui ne désire plus rien, qui aspire définitivement à revenir à Lui-même. A l’instar de l’olivier de la tradition islamique, le cèdre est l’« arbre béni , ni d’Orient ni d’Occident, dont l’huile semble éclairer, sans même que le feu ne la touche » (Qour’ân, XXIV, 36).

    #50043
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    Patchouli (suite)
    En réalité, le patchouli se porte très bien chaque jour comme un parfum à part entière. Certes, il faut avoir le tempérament, le caractère et la vitalité pour porter cette odeur si interpellante, si inhabituelle aussi. Mais l’habitude, précisément, permet d’en apprécier toute l’originalité. De surcroît, si on ajoute une touche d’ambre gris au patchouli, on humanise aussitôt le parfum, qui devient moins extraverti, moins insolite, plus noble, plus « rond ». L’ambre intériorise la fragrance, il la stabilise et la densifie de l’intérieur. C’est un « liant » qui arrondit les angles. Si on ajoute enfin à ce cachet de la racine d’iris, je me suis rendu compte qu’on obtient, en bouquet, un parfum poudré, délicat, légèrement floral, très agréable.

    #50044
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    Vétiver
    Sauvage, le vétiver est de la même catégorie olfactive que le patchouli : c’est un boisé de caractère, typé, original, singulier, sentant plus le végétal que le bois à proprement parler. Plus vert que le patchouli, plus tonique, plus frais, plus pointu, plus piquant, plus sec, le vétiver est aussi plus fin, plus raffiné, plus élégant.
    En tête, l’odeur évoque curieusement (et assez mystérieusement) la noisette. Subtilement poivré et hespéridé, le parfum dégage comme un arôme de sous-bois (mais sans moisi), de lit de feuilles sèches, légèrement fumées, de fougères chauffées par le soleil.
    Terreux sans être lourd, basique tout en étant léger et aérien, le vétiver propose une fragrance à la fois revigorante et apaisante, stimulante et pacifiante, qui réconcilie avec la vie. Simultanément déroutant et rassurant, exotique sans dépaysement, le parfum dégage enfin une sensation conjuguée d’entrain, de saine vigueur, d’équilibre, procurant une sensation étonnante de recentrage sur soi.
    C’est en s’approfondissant sur la peau que le vétiver exprime cependant sa note la plus subtile, reprenant les notes mystérieuses de sa racine qui évoquent les couleurs comme transparentes de l’iris, suggérant aussi la violette.
    Raffiné tout en étant rustique, élégant tout en demeurant champêtre, subtil sans sophistication, c’est un parfum pour gentleman farmer sentant la noblesse de terroir.
    Conjugué au patchouli, le vétiver ennoblit celui-ci, le rendant plus rond, plus civilisé, moins primitif, sans rien édulcorer de ses notes les plus sauvages. Le parfum rendu est à la fois fin et puissant, extraverti et retenu. Un magnifique boisé végétal, extraverti, sans complexe.

    Bois de rose
    Sublime aromatique, le bois de rose n’est que très discrètement boisé. Hespéridé extrêmement raffiné, évoquant la bergamote, la citronnelle, la limette, délicatement poivré, subtilement camphré, presque mentholé (ce qui lui donne une profondeur troublante, d’une élégance rare), le bois de rose dégage une odeur vraiment délicieuse, proprement paradisiaque. Par la suite, la note devient comme orangée, plus ronde, presque florale, avec toujours cette pointe épicée et camphrée qui tonifie sa couleur. D’une finesse exceptionnelle, le bois de rose est un parfum sublimement aérien, proprement angélique. On songe spontanément le marier à des hespéridés raffinés, à des fleurs fraîches et délicates.
    Très volatile, il a la particularité remarquable de fixer une note de fond ténue mais très persistante, que l’on ne sent cependant pas directement sur la peau, comme si l’odeur ne se fixait que dans l’air, au-dessus du corps, sans toucher le derme.
    Le mariage avec le cèdre (lui-même parfum d’air) est exemplaire : d’un côté, le bois de rose magnifie le cèdre, le mettant en mouvement, le dilatant dans l’air, amplifiant sa note boisée si caractéristique, de sorte qu’on a vraiment l’impression ici que le cèdre se met à respirer. De l’autre, le cèdre fixe la volatilité du bois de rose, de sorte que la fragrance reste étonnamment stable sur la peau. Le fruit de cette union est vraiment raffiné, suave, original, virant vers le fruité, fleurant parfois la mandarine. Un boisé aromatique tout en légèreté, élégance, distinction, et en même temps ayant du corps, très persistant.

    Aiguilles de pin
    Très aromatique comme le bois de rose, hespéridé tout comme lui, mais en plus boisé, en plus vif, en plus vert, le pin est, dans un registre plus terrestre, plus primitif, un parfum tout aussi enchanteur.
    Nous parvient au départ l’odeur résineuse, piquante, si caractéristique de l’aiguille de pin. Mais tout le charme du parfum est de nous faire pénétrer dans le cœur de cette senteur coutumière pour nous en transmettre plus profondément l’esprit.
    Après les premières effluves de tête, merveilleusement citronnés, follement toniques, la note devient fortement camphrée, sublimement mentholée, délicatement fumée, ce qui lui donne une profondeur captivante et un charme irrésistible. Il faut le dire : comme le vin, le pin est proprement enivrant. Sa nature abondamment généreuse, son caractère éminemment tonifiant, revigorant, lui donnent une force de conviction, un charisme, une positivité exceptionnels. Au sens étymologique du terme, c’est un parfum enthousiasmant qui réconcilie avec la vie, et partant, qui réconcilie l’homme avec lui-même. On devrait le prescrire à tous les mélancoliques de la terre, désabusés ou dépressifs. C’est un remède radical contre la mauvaise foi, la mauvaise opinion, les mauvaises pensées. Il transporte littéralement de joie, et surtout il est la positivité même. Si le bois de rose est délicieusement angélique, le pin est sublimement humain. Un don du ciel.
    Associé au bois de rose, le pin est un enchantement sensuel. Le bois de rose élève le pin, le subtilise, l’aspirant vers le ciel, tandis que celui-ci fournit le corps de cet envoûtement. Les notes hespéridées de l’un et l’autre s’entrelacent pour fêter cette joie de vivre.
    Associé au vétiver, le pin produit un boisé évidemment très aromatique, haut en couleurs, mais très élégant. L’association du pin avec le patchouli est plus puissante mais plus primaire.

    Mousse de chêne
    C’est l’histoire d’une terre qui débouche sur la mer.
    Au départ, l’odeur boisée, ambrée, moisie, terreuse, proche de du champignon, légèrement épicée, est profonde, envoûtante, pénétrante, mystérieuse, plutonienne. Ce n’est pas une odeur sylvestre sentant les bois: nous sommes ici dans l’humus des sous-bois, dans le terreau humide et sombre gisant sous le tapis épais de feuilles, de branches, de glands, de champignons, de moisissures qui jonchent le sol. Nous ne parcourons pas les sentiers, les voies ou les clairières, nous sommes ici à l’intérieur, dans le corps même de la forêt. La mousse de chêne, ce n’est pas la forêt bucolique mais la sylve primitive, ancestrale, immémoriale, celle qui regarde passer en silence les hommes depuis des générations.
    Il faut pénétrer dans cet humus spongieux, presque putride, pour ressentir toute la force contenue, la vitalité latente de ce dépôt végétatif, de cette mémoire végétale patiemment conservée par les âges. Et que nous dit ce lichen ? La mer est à l’origine du monde ; la terre est issue de l’eau, à laquelle elle retourne, tout revenant à l’océan originel.
    Il faut en effet sentir cet incroyable effluve marin, iodé, évoquant l’algue et l’embrun, tenace, pénétrant, digne, noble, tendre, maternel, émouvant, réconfortant, apaisant, pacifiant (qui correspond en fait à l’odeur que l’on a sur la peau lorsqu’on sort de l’océan) pour se souvenir que tout retourne à la matrice originelle. Et il faut respirer ce vieux parfum de sel, archaïque comme le monde, partant du sol pour rappeler la mer, pour pressentir aussi que la mousse de chêne nous livre la clé de l’ambre gris : c’est en effet en respirant cette mémoire marine de la terre, témoignage laissé par la mer avant qu’elle se retire, que l’on peut intuitivement saisir le message transmis aux hommes par le cachalot.
    La mousse de chêne, c’est l’ambre laissée sur terre. Il faut d’ailleurs marier mousse de chêne et ambre gris pour constater à quel point ces deux parfums s’épousent, s’entrelacent, se confondent : tout les unit. Mariage originel de l’eau et de la terre, à l’origine de la formation du monde.
    La mousse de chêne enrichit aussi les boisés, comme le vétiver ou le pin, leur apportant une note ambrée remarquable. Elle arrondit le patchouli, lui procurant un corps aromatique original. Elle magnifie le cèdre, enrichissant son bois, lui fournissant une ampleur aromatique fine et suave. Elle fixe le bois du rose, lui donnant une densité et une profondeur notables.
    La mousse de chêne enrichit enfin le castoréum, lui apportant là encore une note ambrée très originale.

    #50045

    Cher Yahya je vois que tu t’amuses a combiner les aromes pour decouvrir les reactions qu’ils produisent ensemble. Ta passion pour les odeurs couplée a ta curiosité t’ont conduit tout naturellement a faire le parfumeur. La prochaine foi je t’enverrais des flaconnettes pour que tu puisses commencer a construire des parfums.
    https://naturalnicheperfume.com/your-custom-perfume/

    Si tu consideres changer de travail, voilà un métier taillé sur mesure pour toi. Nous pourrions devenir complices…

    As Salaamu alaikum

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50046
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    Santal de Mysore
    (solution alcoolisée en spray)
    La solution alcoolisée est à la fois fidèle et différente de l’essence de bois à l’état brut. Lorsqu’on sent le santal à l’état pur, on est un peu pris à la gorge par cette huile sirupeuse, cireuse, à la fois sucrée et acide, presque écoeurante, ayant comme un léger relent de moisi. En solution alcoolisée, le fauve est comme apprivoisé. La fragrance paraît plus douce, plus délicate, plus fine, plus profonde, plus aromatique, plus parfumée. Bienfait de la distance : comme un livre qu’on met à bonne distance des yeux pour pouvoir lire ce qu’il comporte. Ici, le bois paraît presque floral, dégageant un singulier arôme de vin boisé, comme s’il émanait d’un fût de chêne, sensuel et raffiné à la fois. Equilibre parfait entre ampleur et profondeur. A cette aune, on perçoit l’intérêt de le marier avec les autres parfums : il enveloppe tout en finesse, sans heurter, sans contrarier. Le mâle est devenu gendre parfait.
    Aussi curieux que cela puisse paraître, ce fort caractère se met humblement au service des parfums auxquels il s’associe, agissant en arrière plan, oeuvrant en profondeur, ne laissant jamais émerger ses notes les plus insistantes, les plus caractéristiques, pour seulement contribuer à enrichir l’arôme des senteurs qu’il parvient à épouser de l’intérieur, de telle sorte que, en chacune de ces associations, c’est le parfum auquel il s’accorde qui apparaît en évidence, mais comme transformé par lui. Ce n’est pas tout de dire que le santal de Mysore magnifie les parfums qu’il rencontre : il faut préciser que c’est par l’effacement le plus complet qu’il permet à l’autre parfum, avec lequel il s’unit, de se transformer de lui-même, par lui-même. C’est en ne se montrant pas qu’il agit. N’intervenant jamais en premier plan, rien ne se fait pourtant sans lui, sa seule action de présence permettant au parfum épousé de se détendre, de se libérer, de disposer de lui, de s’exprimer tel qu’en lui-même. Cette position définit remarquablement le principe de l’autorité spirituelle. C’est en cela que le santal de Mysore, à l’instar de l’encens mâle, est essentiellement un parfum spirituel : non pas tant parce qu’il sert cultuellement à des rites (dans l’Hindouisme par exemple) que parce qu’il renvoie au parfum épousé, tel un miroir parfait, la plus haute idée de lui-même, la valeur de sa propre singularité. Il transforme l’être sans le changer, le renvoyant simplement à lui-même sans le dénaturer.
    Techniquement, pour le parfumeur, le santal de Mysore est un trésor d’utilité : il fixe les notes de tête, il révèle certains parfums à eux-mêmes, il en transforme d’autres pour créer de nouvelles senteurs.
    1) le santal joue un rôle de fixateur avec l’ambre gris, dont il fait perdurer la senteur de façon étonnamment stable (alors que c’est un parfum très volatile), tout en l’enrichissant de manière magnifique, lui donnant de l’ampleur, du volume, de la profondeur, sans pour autant dénaturer sa note si typée. Le santal devient ainsi un moyen concret de sentir l’ambre gris sur la durée. C’est simple mais c’est unique.
    Il stabilise aussi l’encens, renforçant sa teinte un peu animale et sombre, atténuant ses notes les plus volatiles, les plus camphrées.
    De même, avec le cèdre, le santal densifie ses notes les plus suaves, délicates, aériennes, pour leur donner plus de corps, plus de volume, mais tout en se faisant remarquablement transparent dans cette rencontre, apposant seulement cette touche subtilement ambrée qui lui est si caractéristique.
    Le santal fixe également les parfums possédant surtout une note de tête, comme le galbanum, l’opoponax, le styrax, la bergamote ou le bois de rose. Il fixe la senteur un peu amère du galbanum, arrondissant ses notes les plus piquantes, sans dénaturer sa couleur.
    Avec l’opoponax, le mariage est étrangement translucide : on se demande comment, dans cette union, le santal parvient à se faire si transparent. La note hespéridée de la résine est portée, soulevée, amplifiée par la présence invisible du santal, débouchant sur une couleur de fond, sorte de mandarine boisée, d’une extrême finesse.
    Avec le styrax, la relation est tout aussi diaphane, le santal se contentant de fixer la note amandée si particulière de la fragrance.
    La bergamote, quant à elle, est transportée, sublimée par le santal, celui-ci atténuant sa teinte un peu miellée pour lui apporter une touche boisée, musquée, d’une grande suavité. Ici aussi, le parfum perdure sans effort, porté par le santal comme une jeune femme dans les bras d’un homme.
    Le cas est plus particulier avec le bois de rose, dont il recouvre la note hespéridée pour lui donner un cachet boisé, certes raffiné, très délicat, mais loin des touches si caractéristiques du bois de rose.
    2) le santal joue aussi un rôle de révélateur pour d’autres parfums, dans le sens d’un révélateur photographique, faisant pour ainsi dire apparaître le parfum à lui-même. C’est le cas notamment du cyprès, dont les pointes amères et désagréables de la note de tête sont littéralement avalées par le santal, pour ne restituer, mais en plus dense, sa note de fond, à la fois sombre et boisée, légèrement camphrée et épicée, qui lui est si caractéristique. Le santal gomme ses aspérités, ne renforçant que ses points favorables.
    Cela joue pareillement avec le genévrier, dont il renforce et arrondit simultanément les notes les plus typiques, procurant une sorte de patine à la fois herbacée, épicée, camphrée, subtilement encaustique, parfaitement dans le ton et l’esprit de la senteur d’origine.
    De même, le santal adoucit les notes les plus vives du pin, les arrondissant pour les rendre plus vénusiennes.
    Le couplage avec le vétiver est du même acabit : le santal lisse ses pointes les plus amères, les plus sèches, proposant une senteur plus douce, plus veloutée, plus arrondie, délicatement anisée, d’une très grande finesse.
    Le santal ennoblit considérablement le benjoin, adoucissant ses notes les plus sirupeuses, un peu miellées, pour fixer dès le départ la note de fond si noble, si apaisante de la résine.
    De même, il féminise un peu la vitalité virile du ciste, lui ôtant toute âpreté, renforçant ses notes les plus rondes, les plus sucrées, pour exhaler un sublime aromatique chaud, fruité, envoûtant, enivrant, irrésistible.
    Avec la myrrhe, la rencontre est plus délicate, la senteur de la résine étant vite envahissante. Mais, à faible dose, le santal l’enrichit, arrondissant ses notes les plus lourdes, atténuant sa saveur très sucrée.
    Par ailleurs, le santal porte, enrichit et approfondit la lavande, lui procurant un caractère solaire éclatant, la dotant d’une teinte boisée et ambrée remarquable.
    Enfin, le santal rentre dans le castoréum comme dans une fourrure, agissant par en dedans, de telle sorte que celui-ci apparaît enrichi, le cuir du castoréum s’arrondissant avec le velouté du bois, ce qui donne un arôme moins fumé, plus délicat, plus raffiné, d’une grande finesse.
    3) le santal joue enfin un rôle de transformateur avec d’autres parfums : l’osmose est par exemple étonnante avec le patchouli, dont il arrondit les angles et les acidités, pour lui procurer une teinte ambrée du plus bel effet, conduisant cependant à un arôme inédit, presque floral, sensuel et délicat, évoquant de manière surprenante le velouté de la rose.
    Avec le laurier noble aussi, dont l’odeur cinéolée, fraîche et menthée se prête pourtant moins à des transformations, l’union donne lieu à un parfum déroutant qui, tout en reprenant les notes caractéristiques de l’arbre, emprunte des tons à la fois délicats et sauvages, fruités, animaux, épicés, floraux, basalmiques, évoquant le sucre du cacao et la vanille, le baume velouté du gingembre et de la coriandre, d’une originalité surprenante.
    Avec la rose, la rencontre est voluptueuse, sensuelle, presque sauvage. Tapi dans le fond, n’apparaissant jamais, le bougre laisse la fleur évoluer librement sur le devant de la scène, atténuant dans l’ombre ses accents les plus vifs, ses touches les plus entreprenantes, pour la restituer finalement, grâce à cette attention muette, encore plus belle qu’elle est : feutrée, veloutée, boisée et musquée. Une grande leçon d’amour.
    De même, la note acide, verte, piquante, sèche, pointue, poivrée et citronnée de l’élémi est à la fois adoucie, soutenue et enrichie par le santal, celui-ci procurant un baume boisé, ambré, apaisant qui patine sa teinte générale, ce qui produit une variété très intéressante d’hespéridé, sorte de limette très finement camphrée et épicée, de la plus grande originalité.
    Il n’y a que la relation avec la mousse de chêne qui nous a paru un peu décevante, le santal adoucissant ses notes un peu acides pour fournir une teinte plus veloutée, plus ambrée, la rapprochant davantage de la mousse d’arbre, cette association conduisant plus à une réduction qu’à un enrichissement à proprement parler, les deux parfums s’évanouissant pour ainsi dire l’un dans l’autre, la note de fond, certes fine et suave, demeurant presque imperceptible.

    #50047
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    Cyprès
    (huile essentielle)
    J’aime toujours ces matières qui ne font pas dans la séduction immédiate et qui demandent un effort pour les apprécier (c’est tout le jeu de l’amour): la note de tête, piquante, montante, entêtante, amère, épicée, boisée, camphrée, légèrement encaustique, n’est pas très agréable. Il faut passer par ce désagrément pour constater que la note de fond, sombre et sèche, comme sous le couvert de l’ombre, assez sauvage, toujours sans séduction, est cependant intéressante : c’est une note de bois, ou plutôt de feuillage, assez sourde, un peu résineuse, toujours amère et sauvage, se situant dans les tons graves ou sombres d’une palette. C’est une couleur utile, intéressante pour le parfumeur, à associer aux couleurs chaudes, aux notes solaires et éclairées, aux senteurs rondes et vénusiennes, toute tendance recherchant son point d’équilibre pour retrouver l’unité. C’est le principe de l’amour : on tend vers son contraire, son complément. Le cyprès est un mâle qui ne joue pas au beau gosse : il plaira aux vraies femmes.
    Commençons donc par la rose : la rencontre est digne, grave, sobre. L’union se fait en silence, gage de sérieux : ni badinage, ni batifolage. Le rapprochement est remarquablement équilibré, aucun ne mettant un mot au-dessus de l’autre. La rose s’introvertit, se calfeutre, se love dans le bois brut du cyprès, ce qui est bien le signe qu’elle est éprise : elle ne parle plus. Le produit ne donne ni un bois ni un floral, mais le fruit de leur union : un cyprose. L’amour, quand il est vrai, est remarquable de mesure, de retenue, de concision, de sobriété. On est loin des romances à l’eau de rose.
    Associé à un pur aromatique, comme le bois de rose, le cyprès montre aussi son intérêt : il densifie et fixe les effluves de tête du bois de rose, arrondissant en même temps sa couleur de fond, ce qui donne un boisé aromatique un peu sauvage.

    #50048

    Cher Yahya,
    “Le cyprès est un mâle qui ne joue pas au beau gosse : il plaira aux vraies femmes”.
    Le cyprès plait aux femmes, et surtout aux femmes mures. C’est un fait et c’est assez surprenant en apparence. Seulement en apparence.
    Avec la seule psychologie olfactive je n’y étais pas arrivé, il m’a fallut l’aromathérapie.
    Le Cyprès est systématiquement donné aux femmes en aromathérapie pour touts les traitements adressés au système hormonal, parce qu’il permet de réguler le cycle menstruel, qu’il soit trop long, trop court, interrompu ou bien irrégulier.
    Il est aussi efficace pour soigner tous les symptômes de la ménopause, particulierement les vampées de chaleur.
    Son affinité avec le corp feminin et les bienfaits qu’il lui procure ont été pour moi l’explication de ll’engouement des femmes pour cette essence.

    Mes compliments pour ton intuition olfactive, tu arrives par raccourcits aux mêmes conclusions qu’un parfumeur expérimenté.

    Il est aussi vrai qu’il se marie avec la rose. En aromathérapie la rose est un tonique utérin et est l’essence de prédilection pour l’entier appareil génital féminin.
    Le cyprès et la rose sont faits pour ètre ensemble, tu y es arrivé par to nez, alors que tout parfumeur que je suis, c’est la logique qui m’y a porté.

    Le sufi voit l’essence des choses a travers leur apparence car pour lui il n’y a pas de voile entre les deux.

    #50049
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    Essence et apparence
    C’est une phrase décisive, qui vaut pour une vie : l’apparence n’est pas apparente, elle est la manifestation (le dévoilement) de l’essence. Quant à l’essence, elle n’est pas cachée : elle est le sens (la raison d’être) de ce qui est manifesté.

    #50050

    Merci de confirmer, du coup je me sens presque un sufi.

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50051
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    Cyprès (suite)
    En dépit de son air revêche, le cyprès peut être utile pour le parfumeur : il équilibre les notes sucrées, densifie les notes douces et suaves.
    Couplé à la lavande, il se fait tendre, complice, produisant un boisé camphré et lavandé, à la fois tonique, floral et épicé, très original. La note de fond est très délicate.
    Il épouse très bien le velouté du cèdre, atténuant ses notes miellées, produisant un bois très fin, beaucoup plus sobre, un peu mat et sec comme le cèdre du Texas, et très subtilement floral.
    Il s’associe remarquablement à la bergamote, dont il atténue ici aussi les notes miellées, renforçant la densité veloutée de son zest, ce qui produit un bois hespéridé tout en finesse.
    Le couplage est tout aussi intéressant avec la note clémentinée de l’opoponax, qu’il stabilise et densifie dans un registre boisé tout en nuances.
    C’est cependant avec les touches si angéliques du bois de rose qu’il réussit son mariage le plus heureux, le boisé final, subtilement fumé et délicatement floral, constituant une merveille d’équilibre.
    Plus surprenante, enfin, est la conjugaison à la note très sucrée de la myrrhe, produisant une senteur typée de réglisse, à mi-chemin entre l’amer et le sucré, évoluant ensuite vers un boisé un peu goudronné, discrètement sucré, très original.

    #50052
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    Genévrier
    huile essentielle)
    Comme le cyprès, la note de tête n’est pas spécialement agréable en tête: l’odeur, boisée, épicée, assez camphrée, un peu encaustique (pouvant faire songer à la cire d’appartement), est cependant plus douce, plus suave que celle du cyprès. Le parfum du genévrier possède surtout une note de cœur typique, rappelant le myrte et le gin (dans la composition duquel il entre), ronde, comme rosée, pouvant évoquer la pomme cuite, avec une goutte de rhum, et plus indirectement encore, la cannelle (sans le sucre) et le clou de girofle. Chaude, située entre le bois et l’épice, douce tout en étant à la limite de l’amer, cette senteur typée insinue, en parfumant la peau, comme une odeur de chais, de cave, de fût de chêne, de bouchon de vin, suggérant la macération et la fermentation de jus (ce qui rappelle curieusement l’anecdote selon laquelle les Romains l’incorporaient traditionnellement dans un vin diurétique). La note de fond, épicée et balsamique, est légèrement résineuse et boisée.
    On songe spontanément le marier aux notes moisies du patchouli, et on fait bien : le mariage est exemplaire, l’osmose entre les deux senteurs apparaissant tout de suite évidente. Loin d’être envahissant, le patchouli épouse humblement le genévrier, se contentant d’arrondir et d’embellir de la plus belle manière sa note de pomme fermentée, lissant ses notes un peu amères. Le produit constitue un arôme de vin très équilibré, chaud et suave, presque floral, d’une remarquable finesse.
    Pour les mêmes raisons, on pense l’associer à la mousse de chêne. Ici aussi, la symbiose est patente : la mousse aromatise le bois, arrondissant ses notes un peu amères, dans un registre toutefois moins vénusien, un peu plus vert.
    Conjugué à la mousse de chêne et au patchouli, le genévrier représente donc un magnifique point d’appui pour la constitution de compositions chyprées.
    Il épouse très bien aussi le castoréum, dont il atténue le fumé tout en arrondissant sa note. A terme, le bois prend sensiblement le dessus, prenant un parfum cuiré et floral très élégant, d’une grande suavité.
    Associé au ciste, il rend ce dernier plus rond, moins âcre et plus fruité.
    Il se coule enfin magnifiquement dans la rose, atténuant ses notes les plus acides, pour fournir un bois floral remarquablement fin et équilibré, comportant d’élégantes touches musquées, d’un raffinement exemplaire. Aussi curieux que cela puisse paraître à première vue, le genévrier ennoblit considérablement la rose, lui apportant une sobriété lui conférant une grande dignité. Merveille de l’équilibre. Sa plus belle réussite.

    #50053
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    Laurier
    (huile essentielle)
    L’odeur de tête est fraîche, montante, menthée, camphrée, subtilement épicée mais très suave, légèrement boisée, comportant une profondeur florale magnifique, évoquant irrésistiblement la lavande. Le parfum est éclatant, aérien, plus apollinien que vénusien (je me rends compte après coup qu’il fut vénéré dans l’antiquité comme arbre d’Apollon), enchanteur que charmeur, mâle que femelle. Comme son nom l’indique, il y a beaucoup de noblesse dans cette ouverture. En s’approfondissant sur la peau, le laurier exhale, dans un premier temps, des notes plus résineuses de myrte et de romarin, libérant une ambiance typiquement solaire de maquis méditerranéen. Dans un second temps en revanche, la senteur fait émerger progressivement un fond balsamique et velouté, rappelant les notes suaves et tendres de la coriandre, contenant une touche sucrée, presque vanillée, discrètement chocolatée (qui ressort nettement, comme on l’a vu, lorsque le laurier épouse le santal). Et la note de fond fixe cette patine étonnante de bois chaud, suavement sucré, vanillé, cacaoté, prenant une connotation curieusement orientale, assez proche des nuances du benjoin. Atypique, le laurier est vraiment surprenant par la richesse de ses transformations, empruntant successivement des climats très différents, tout en restant lui-même.
    On songe bien sûr le marier à la coriandre, au gingembre, au benjoin, à la vanille, au cacao, à la lavande, mais c’est un peu mais c’est un peu faire œuvre de facilité que de jouer ainsi ton sur ton: il est plus instructif de le confronter à des notes opposées (amères, sèches, vertes, piquantes, acides) pour apprécier la richesse de ses réactions. C’est dans l’adversité qu’on se révèle. C’est à la polarité qu’on succombe toujours. C’est la loi de l’amour de rechercher ce qui nous manque pour entrevoir la plénitude d’une totalité.
    Le couplage, en ce sens, au cyprès est très intéressant, dégageant une note de fond d’un boisé mat et sec, délicatement suave, remarquable de sobriété.
    Encore plus significatif est le rapprochement avec le genévrier : le laurier aromatise considérablement son bois, faisant ressortir sans la dénaturer sa note principale, ce qui donne un arôme de gin magnifiquement parfumé, moins fermenté, plus solaire. A terme, la senteur, reprenant en filigrane les notes balsamiques du laurier, s’épanouit dans un registre plus profond et boisé, à la fois chaud et suave, presque animal.
    La confrontation au vétiver est tout aussi éclairante : le laurier aromatise, là aussi, considérablement son bois, lui apportant en tête une ampleur camphrée, aérienne, particulièrement éclatante. Ensuite, la conjugaison des arômes de fond donne un parfum boisé, à la fois piquant et suave, d’une grande élégance.
    De même, le laurier aromatise et arrondit les notes sèches du galbanum, ce qui produit là aussi un arôme d’une grande finesse. Même chose avec l’élémi, dont il adoucit et arrondit les notes piquantes.
    L’association au ciste, quant à elle, est très séduisante : il adoucit son âcreté pour produire une note résineuse plus suave, rappelant les accents lumineux du myrte.
    La relation au castoreum est plus riche encore : ses notes de fond balsamiques assouplissent son cuir tout en douceur, ce qui produit un arôme d’une étonnante tendresse.
    Quant à l’alliance à l’encens, très subtile, elle représente sans doute un de ses mariages les plus heureux : sa note camphrée, limpide et aérienne se coule en effet merveilleusement dans le brouillard évanescent et mystérieux de la résine, dégageant un arôme subtilement menthé d’une surprenante finesse.

    #50054
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    Cèdre du Texas (ou genévrier de Virginie)
    (huile essentielle)
    Le parfum, sec, mat et boisé, presque floral en tête, est plus limpide, plus fluide que le cèdre de l’Atlas, tout en étant remarquablement fin et doux. En cœur, il évoque l’odeur typée de la sciure et, plus particulièrement, l’odeur des copeaux du bois que l’on utilise pour les crayons. Cette odeur, un peu sommaire, presque rustique, se densifie en note de fond, presque entêtante, dégageant une senteur encore plus mate et sèche, adoptant une patine sobre, presque austère, de boisé sec.
    Moins subtil que le cèdre de l’Atlas, moins raffiné, plus terrestre, plus rudimentaire, le cèdre du Texas me fait penser à un homme de la terre, simple, presque archaïque dans sa mise, primitif dans sa nature, mais solide, robuste et ferme, qu’il serait déplacé de vouloir comparer à un homme de la ville, tant les critères d’appréciation sont divergents : chacun à sa place et au rang qui lui convient selon sa nature. Le cèdre du Texas possède d’ailleurs une qualité bien rare dans le monde sophistiqué et précieux des senteurs: sa simplicité. Simple, son odeur respire la cohérence, l’unité, la stabilité. C’est un parfum substantiel (au sens fort du mot, de la polarité terre), élémentaire (au sens des éléments – eau, terre, air, feu – qui régissent le monde physique). C’est une base, une assise, une fondation : ce sur quoi on s’appuie pour construire quelque chose de durable. On comprend qu’il soit apprécié par le parfumeur, comme note de base, pour les compositions boisées.

    Le cèdre du Texas adoucit le cyprès ou le genévrier, leur apportant une patine boisée plus suave. Il atténue le camphre du laurier, rehaussant sa note boisée, instaurant un climat plus ouaté par une sorte d’effet nuage. Il tempère les effluves du patchouli avec le même effet brouillard, atténuant ses notes piquantes, rehaussant la couleur boisée. Il arrondit le vétiver, sans dénaturer son cachet, renforçant la note de bois sous-jacente. Plus étonnant : le santal est dominant dans l’échange au lieu de se fondre en lui. C’est l’humble cèdre qui se met ici à son service, restant en fond pour rehausser l’effet de bois. Il adoucit aussi les notes acides de la mousse de chêne pour rehausser, là encore, le cachet boisé. En fin de compte, comme on le voit, dans toutes ces associations, le cèdre du Texas est là pour rappeler la note générique du bois : c’est l’archétype olfactif du bois. Au-delà de sa valeur propre, c’est un repère, un étalon, une norme à lui seul.
    C’est cette qualité de générique qui lui permet de s’approprier des odeurs venant d’autres matières que le bois pour leur donner une coloration boisée (restant cependant – et c’est là la performance – conforme à leur cachet): c’est ce qu’il fait par exemple avec le ciste. De même, il atténue la note réglissée de la myrrhe, l’enveloppant de son ouate boisée. Soit dit au passage, cela devient un moyen astucieux de l’inclure dans des compositions plus délicates. Il adoucit pareillement les accents un peu fauves du castoreum et du bouleau blanc, leur apportant un cachet boisé parfaitement harmonieux avec leur note de base.
    Par ailleurs, le cèdre du Texas possède aussi la qualité d’être un remarquable absorbant : adoucissant les caractères, lissant les angles, gommant les aspérités, il permet à des senteurs un peu extrêmes de parvenir à une sorte de civilité : il modère par exemple les effluves impétueux du pin sylvestre, ce qui permet d’apprivoiser sa senteur, et donc en pratique, de pouvoir l’inclure dans des fragrances plus fines. L’accord, du reste, entre le cèdre du Texas et le pin sylvestre est vraiment magnifique, faisant mieux ressortir la richesse, et surtout la subtilité de ce dernier : par l’effet buvard, il crée une distance ; par la distance, il permet une lecture plus compatible de sa senteur. Il dompte pareillement la nature sombre et sauvage du pin noir de Corse (le pin laricio), ce qui permet, là encore, faisant sortir le fauve de ses fourrés, d’envisager de l’associer à des senteurs plus raffinées. L’accord, ici aussi, est édifiant de conciliation, d’acclimatation, de tempérance.

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