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    Iris

    C’est une racine d’air plus que de terre – comme celle figurant l’ « arbre inversé» de la tradition hindoue, aux racines dirigées vers le ciel. Plus exactement, c’est une racine qui sent l’ « éther », (non l’éther chimique, mais ce que l’on considérait au moyen-âge comme la quintessence des éléments fondamentaux : l’eau, le feu, l’air et la terre ; ce que les alchimistes appelaient la « matière incarnant le vide »). D’où cette couleur froide, minérale, spectrale, évoquant une nuit de glace, un désert, un espace sans fin. L’odeur est douce, fine, délicate, à la fois douveteuse et légèrement acide. C’est un être sans pulpe, un corps sans chair, une odeur désincarnée. Il n’y a pas d’intention dans cette odeur, pas de sentiment ni d’aménité non plus. Pas d’état d’âme. C’est une odeur altière qui n’a rien à dire, sans message, qui ne cherche pas l’échange. Plus que de la solitude, elle est comme la trace olfactive de l’esseulement. Curieusement, Il y a aussi un côté brut, primaire dans cette odeur, comme si on sentait par exemple une noisette. On dit sottement que l’odeur est poudrée, parce qu’on associe l’iris à la poudre de riz qui parfumait jadis les joues des dames, mais c’est confondre nature et fonction. On peut s’interroger : comment les hommes ont-ils pensé isoler les rhizomes de cette plante pour en faire ressortir, au bout de six ans, cette odeur aussi impalpable, si peu humaine ? Avec un peu d’imagination, c’est comme si on débandait lentement, à l’intérieur d’un sarcophage, une momie qui surgirait du fond des âges. C’est une odeur qui n’est pas tout à fait de ce monde.

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