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    Je ne comprends pas l’argument selon lequel les parfumeries ne pourraient vendre des parfums exclusivement naturels puisque les matières premières sont aujourd’hui trop chères.
    Qu’est-ce qui empêche Guerlain (par exemple), parfumeur de tradition et de métier, de vendre, au-dessus de la gamme habituelle (des eaux de toilette de 75 cl qui se vendent à 60/70 €), une gamme « de luxe » qui serait réservée aux seuls vrais amateurs ? Qu’est-ce qui empêcherait Hermès, spécialisé dans l’artisanat de luxe, qui vend ses foulards à 1.000 €, de proposer des parfums purs dans les mêmes zones de prix ? Même les boutiques de parfum « spécialisées » (Diptyque, l’Artisan Parfumeur, Maître Parfumeur et Gantier etc..) qui prétendent offrir autre chose que de la parfumerie industrielle, restent dans la même zone de prix, ne proposant donc que des produits artificiels : à titre d’exemple, l’ « Ambre extrême » de l’Artisan Parfumeur (100 € pour un flacon de 100 cl) n’est qu’un vulgaire parfum de synthèse ; et l’ « Ambre Sultan » de Serge Lutens (que l’on présente comme un des meilleurs nez de Paris) une véritable cochonnerie (100 € pour un flacon de 75 cl).
    Pourquoi n’y a-t-il pas une parfumerie « de luxe », au même titre qu’il y a des maroquiniers, des joailliers, des horlogers, et mieux encore, des fleuristes de luxe ?

    #50027

    En effet! On peut se le demander a juste titre une fois qu’on a gouté a la perfection des matières premières naturelles.
    Tout d’abord Guerlain utilise du naturel, c’est pratiquement le seul a en mettre suffisamment pour que je sois capable de le sentir au milieu du synthétique.
    Il a dit: “Ayez des idées simples, appliquez les scrupuleusement, faites de bons produits et ne trichez jamais sur la qualité”. Et il le fait encore.

    Je ne parlerais pas des nombreuses raisons pour lesquelles les parfums de masse ne peuvent pas contenir de naturel, si ce n’est qu’en doses infimes, mais je réponds a ta question qui est: pourquoi n’existent il pas des parfums hors classe pour de vrais amateurs prêts a payer pour la qualité?
    1. le cout de la mise au point d’un parfum moderne, de sa production, de son marketing et de sa distribution ne peut être rentable que pour un produit de masse. Et cela en soi même serait déjà suffisant comme explication.
    2. Apprécier le vrai parfum, celui naturel, n’est pas une question d’esthétique, c’est une question de qualité de l’âme, et le marché demande du chimique et n’aime pas le naturel. Les clients de ce produit devraient être non seulement riches mais aussi capables de discerner le vrai du faut, le bon du mauvais, le beau du laid. Pas besoin d’être philosophe pour comprendre a quel point le marché de ce parfum serait réduit.
    3. Il y a chez les parfumeurs de profession une sorte de perversion narcissique du gout qui les pousse a utiliser le chimique come choix esthétique et philosophique : Le « créateur » artiste, dans sa mégalomanie défie le créateur des aromes naturels dans une course vaine et stérile pour le surpasser.

    Le prix a payer pour le parfumeur naturel est de devoir rester loin du succès et de la richesse. Mais ceux qui sont intéressé a ces deux choses n’auraient de toute façon pas la qualité de l’âme pour faire des parfums naturels..

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50028
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    Merci beaucoup pour cette réponse franche, directe et lumineuse.
    Ne s’oriente vers le naturel que celui qui y est prédisposé par sa propre nature. N’aspire à la qualité que celui qui la pressent déjà en lui-même. De telle sorte que, quel que soit ce que nous faisons, l’être ne sort (pour ainsi dire) jamais de lui-même : il ne fait, en toute choses, que connaître (à l’extérieur) ce qu’il y a déjà en lui.

    #50029

    Ne nous faisons pas meilleurs que les autres parce que nous aimons les bons parfums. Il suffit parfois d’une rencontre avec une personne pour changer notre destin.
    Je t’ai envoyé deux autres parfums à expérimenter avec ta commande, j’espère que tu voudras nous faire partager tes impressions.
    Tu écoutes les odeurs avec ton âme et tu les décris avec ton cœur.
    Je n’ai jamais connut quelqu’un capable de mettre ses émotions olfactives en paroles comme tu le fait. Si ce n’était par peur d’influencer l’authenticité de ta veine artistique je dirais que tu es le René Guénon de la parfumerie. Alors fait comme si je n’avais rien dit.

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50030
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    Ce qui distingue le plus nettement le parfum « fabriqué » du parfum naturel, c’est que le premier procure une odeur, tandis que le second laisse l’empreinte d’un être. Une plante, une fleur, un arbre (au même titre qu’un animal) est un être vivant. Ce n’est pas « quelque chose », c’est « quelqu’un ». La fonction ontologique du parfum étant de véhiculer, par le medium de l’air, la part subtile de l’être. Ce que l’on sent, ce n’est pas donc « quelque chose », c’est « quelqu’un ». La différence n’est pas tant dans la qualité de l’odeur que dans sa nature. Il y a entre les deux plus qu’une différence de degré : une différence de nature. Le parfum naturel est l’odeur d’un être. Et comme nous sommes nous-même un être, sentir, c’est mettre en communication deux êtres, ou, si l’on veut être plus précis, mettre en relation l’Être avec Lui-même sous deux modes différents. Sentir, c’est mettre en symbiose deux êtres par le medium de l’air, de telle sorte que se réalise l’Être Lui-même. L’expérience olfactive, c’est la réalisation d’une union entre deux êtres. C’est comme l’amour : à chaque fois c’est différent. Voilà pourquoi, lorsqu’on sent un parfum naturel, ce n’est jamais la même chose : ce n’est pas simplement une odeur, c’est un être qui interagit avec nous. Et comme l’être ne se répète jamais (puisqu’il est absolument singulier, absolument unique, et que lui-même n’est jamais le même d’un instant à l’autre, puisqu’il se renouvelle entièrement à chaque instant), à chaque fois qu’on le sent, ce n’est jamais la même chose. C’est toujours le même être, mais jamais de la même manière. Voilà pourquoi le parfum naturel est irrésistible (inlassablement, on y revient). Son charme, c’est d’être tout entier lui-même : absolument identique, absolument différent. Ce n’est pas tant le parfum qui nous fascine que l’être qu’il véhicule, nous renvoyant, dans sa singularité même, à l’indivisibilité de son unité.

    #50031

    C’est pour cette raison que le maitre spirituel a dit: 3 choses de votre monde matériel ont étés rendues chères a mon cœur, la prière, le genre féminin et les parfums.
    L’union spirituelle dans l’anéantissement du soi dans l’autre, devenant un seul-.
    Avec la prière en Dieu, avec l’amour en la femme e avec le parfum en l’être olfactif.

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50032
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    Parfums et odeurs
    De même que l’oreille interne différencie le son du bruit en détectant l’intention harmonique que le son véhicule et qui constitue sa part subtile, de même le nez interne différencie le parfum de l’odeur en captant l’intention olfactive qu’il véhicule et qui transmet son sens subtil.
    La première fois que j’ai senti l’ambre gris, j’ai été repoussé par l’odeur fécale qui me paraissait vraiment répugnante. Quand j’ai senti la première fois le castoreum, j’ai songé à un détergent chimique. Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, dès le premier effluve, je suis irrésistiblement attiré par ces deux parfums ? Je suis allé au-delà de l’odeur, je ne suis pas resté passif, j’ai capté le sens olfactif qu’elle comporte.

    L’entendement des parfums
    Capter le sens olfactif d’un parfum, c’est en saisir l’entendement : donc, au sens étymologique, l’entendre. Cela me rappelle un article concernant un scientifique italien, Luca Turin, intitulé « l’homme qui entendait les parfums », que j’ai lu par hasard, énonçant la thèse que l’on ne sent pas le corps des molécules mais leur vibration. C’est très intéressant : on ne sent pas un corps mais son onde, l’onde représentant l’aspect vibratoire de la matière, c’est-à-dire la manière dont l’être corporel se met en relation avec le milieu dans lequel il vit. Le parfum, dans sa composante vibratoire, est donc, pour l’être qui le produit, un moyen d’échanger, de communiquer, un langage. Entendre le parfum, c’est en capter le sens. De ce point de vue, il y a étroite analogie avec musique et parfum, onde sonore et onde olfactive étant les deux aspects de la dimension vibratoire de la matière.

    Parfum brut et extrait
    Quand la rose exhale à l’air libre son parfum, ce n’est pas simplement une odeur, c’est un parfum. Qu’est-ce qui fait cependant que le parfum extrait de l’huile essentielle de rose me parle plus et beaucoup plus profondément que le parfum brut ? C’est un parfum qui a été travaillé par l’homme. C’est la participation de l’être humain à cette extraction, avec son intention d’en faire ressortir l’esprit, qui fait que ce parfum me parle davantage.
    Le parfum de rose, à l’état brut, contient potentiellement le sens olfactif que je parviens cependant à découvrir lorsque j’explore son extraction réalisée par l’homme. Lorsque le parfum est à l’état brut, je ne parviens pas à lire son sens, je ne réussis qu’à le sentir. Le sens est là, mais il ne s’adresse pas encore à moi.

    Nature et culture
    Si le parfum extrait est un produit naturel, il ne reproduit pas simplement la nature, il en transmet effectivement l’esprit à l’être humain. C’est en ce sens que le parfum extrait est éminemment un produit de culture. C’est pour cela aussi qu’il faut une éducation pour l’apprécier : on ne peut pas comprendre l’ambre gris ou le castoreum (ou même la rose, j’en sais quelque chose) du premier coup. Même chose pour la musique : on ne peut comprendre « L’Art de la Fugue » de Bach si on n’a pas l’oreille formée.

    #50033
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    Charme et beauté

    Tout le monde recherche le beau. C’est pour cela que personne ne le trouve. Les femmes n’ont jamais été aussi belles physiquement: apprêtées, soignées, étudiées. Jamais elles n’ont eu autant de moyens techniques de plaire, attirer, séduire. Jamais elles n’ont été aussi lisses, uniformes, impersonnelles. Jamais elles n’ont manqué autant de charme. En conquérant le beau, elles ont perdu l’esprit du beau, qui est le charme.
    Les parfums participent de cette quête du beau (la recherche de la bonne odeur): jamais ils n’ont été aussi recherchés, complexes, sophistiqués. Jamais ils n’ont paru si communs, conventionnels, monotones. En devenant bons, raffinés, élégants, ils ont perdu leur charme.
    Un parfum naturel ne sent pas nécessairement bon. Son but, d’ailleurs, n’est pas de dégager une bonne odeur mais d’exprimer sa nature. Il ne vise pas le beau, le bon, l’agréable : il est vrai, il est authentique, il est lui-même. Et c’est parce qu’il exprime ce qu’il est qu’il possède ce charme incomparable, même s’il ne sent pas spécialement bon. C’est pour cela qu’il attire, qu’il enchante, qu’il envoûte parfois, qu’il ensorcelle même, sans que l’on sache pourquoi, ce qui le rend encore plus irrésistible.
    C’est en étant soi-même que l’on charme. C’est en n’essayant pas de charmer que l’on y parvient, de manière aisée, naturelle. Le charme est spontané, instantané, immédiat. C’est pour cela qu’il est si rare, si prisé, échappant à toute analyse: il est ce que nous sommes.
    Le charme n’opère pas de la même façon pour tous. Il est toujours différent, toujours identique. Il ne vise pas la masse, la foule, la place publique. Il n’interpelle que ceux qui sont concernés. C’est comme l’amour, un rendez-vous, une rencontre : tout se fait très vite, sans paroles, par un simple échange de regards. Le charme illustre la polarité entre deux êtres. Il est la manifestation de notre singularité.
    Un parfumeur ne peut marier des parfums sans cette base ontologique. L’éducation olfactive est d’abord une initiation intérieure. Créer un parfum est une manière d’accorder des êtres pour les unir.
    Le parfum naturel est l’esprit d’une plante, d’un arbre ou d’un animal. Créer un parfum, c’est convoquer ces êtres à vivre ensemble. C’est le moyen de représenter, dans le monde subtil, la singularité de l’être désirant retrouver la forme analogique, dans le monde végétal ou animal, de sa personnalité.
    C’est pour cela que, de tout temps, la création de parfums, tout comme la médecine par exemple, fut une fonction sacerdotale. C’est un métier inconcevable sans sacrement, pour lequel la purification de l’intention est essentielle. On est loin, très loin, des lois du marché.

    #50034

    A ce propos il y a un concept exposé par Luca Turin dans un de textes online sur la parfumerie.
    Il appelle cela la «simplexité».
    Et c’est le résultat obtenu quand un accord particulièrement heureux produit comme résultat une harmonie complète avec peu d’éléments.
    En parfumerie la simplexité et le charme vont souvent de pair.

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50035
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    Qu’est-ce que sentir ?
    On peut s’étonner à bon droit de l’indigence de la réflexion sur la nature du sens olfactif. Mais on ne peut rien comprendre à cette énigme si on ne saisit pas qu’il y a une raison ontologique – bien plus que scientifique – à cette mystérieuse lacune : l’olfaction faisant appel au registre essentiellement intuitif de l’intelligence, il est impossible à l’homme contemporain d’en mesurer toute l’amplitude, tant que celui-ci conserve une vision atrophiée des ressources intuitives qu’il porte en lui.
    Usuellement, on attribue au fait de sentir un sens primaire, élémentaire, et même animal. Par exemple, dans le langage courant, « sentir » signifie « pressentir » les choses de manière immédiate, instinctive, spontanée, donc non raisonnée. La formule usuelle « je le sens» – à propos d’un être ou d’une chose – signifie, dans le langage parlé, que l’on saisit instinctivement la personnalité de l’être qui s’adresse à nous, la raison d’être de la situation qui nous concerne, la signification de la chose qui nous interpelle. On est dans le domaine de l’intuition élémentaire, souvent floue, peu nette, difficilement formalisable et exprimable. C’est elle que l’on qualifie communément d’intuition féminine (non sans quelque condescendance parfois). « Sentir » signifie aussi « ressentir », c’est-à-dire percevoir des sensations, des émotions. On se situe ici à un niveau de perception encore plus primaire, infra rationnel, inspiré directement par l’impact troublant et souvent confus, désordonné, des émotions.
    Par analogie, on considère que le fait de sentir une odeur, un parfum, ne fait que solliciter cette contribution élémentaire de l’intuition. L’homme contemporain pense ainsi parce qu’il ne perçoit de l’intuition que sa face lunaire, d’ordre infra rationnel, que son caractère psychique, sans soupçonner que l’intuition puisse posséder aussi (et sans antagonisme avec ce qui vient d’être dit) une face solaire, purement intellectuelle, d’ordre supra rationnel, c’est-à-dire une nature spirituelle. Cette ignorance a obtenu droit de cité car, dans l’état actuel de la conscience, l’être humain est devenu comme inconscient de lui-même, prétendant tout connaître, sans pour autant être dans la capacité de réaliser qui il est.
    Or il doit être rappelé que chaque être dispose, en plus de l’intuition élémentaire, d’une intuition lumineuse et immédiate, dépassant – et surtout transcendant – le champ de la pensée raisonnée, sans jamais toutefois la contredire, lui apportant tout au contraire sa plus sublime justification. Chaque être possède en lui, dès le départ et jusqu’au bout de son parcours, cette intuition spirituelle, véritable étincelle divine permettant d’exploiter les plus hautes ressources de son intelligence, sans qu’il y ait le moins du monde antagonisme (bien au contraire) avec un exercice logique et rigoureux de la raison.
    Pour mesurer la gravité de l’oubli, il est nécessaire de réaliser que le refus de reconnaître le caractère transcendant de l’intuition a entraîné deux conséquences importantes dans l’exercice de la pensée humaine: d’une part, la réduction de l’intelligence à l’exercice analytique de la raison, assimilant l’intuition (dans sa globalité) à de l’irrationnel pur et simple. D’autre part, la confusion du psychique et du spirituel, assimilant (de manière plus pernicieuse) l’intuition psychique à l’intuition spirituelle. La première tendance a imposé le rationalisme et le matérialisme ; la seconde, le New-Age, c’est-à-dire la pseudo-spiritualité, telle que nous la voyons proliférer aujourd’hui.
    Tant que l’être ne reprendra pas ses esprits, il ne pourra jamais approfondir le sens de l’olfaction. Ce n’est qu’en sollicitant l’intuition intellectuelle (nécessitant, au préalable, qu’il reconnaisse les facultés transcendantes dont il dispose) qu’il pourra explorer le sens olfactif dans toutes ses dimensions, et être capable d’exprimer ses vérités les plus hautes en langage clair, précis et naturel.

    #50036

    Il me semble parfois que toi et moi sommes comme deux yeux qui regardent la même chose chacun d’un angle différent, un peu comme ces espèces de jumelles dans lesquelles on met des disques de diapositives; il y a seulement deux images mais la vision qui en résulte est tridimensionnelle.

    Il y a seulement quelques jours j’ai justement écrit quelque chose sur la spiritualité du sens de l’odorat.
    //naturalperfume.blogspot.com

    #50037
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    Oui, ce qui donne l’idée la plus claire de la perspective (ce que tu appelles une vision tridimensionnelle), c’est le fait de voir une même chose sous des angles simultanément différents. Cette vue panoramique (qui est le point de vue divin) est obtenue que lorsque l’être réalise son centre, le centre de sa nature s’identifiant au centre de la réalité. Cette perspective est la station normale de l’homme. C’est elle qui lui permet de réaliser que l’indéfinité des êtres est la preuve de l’unité de l’Être universel: nous sommes plusieurs (à regarder la même réalité, à l’analyser sous des angles différents) parce que nous sommes Un. Nous sommes absolument différents parce que nous sommes absolument identiques.

    #50038

    “Nous sommes absolument différents parce que nous sommes absolument identiques”.
    Celle là est trop forte pour moi. Je ne l’ai pas comprise.

    AbdesSalaam Attar
    Compositore Profumiere

    #50039
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    Nous sommes absolument différents : c’est une certitude métaphysique partagée par tous les êtres, enfants comme adultes, croyants comme incroyants. Chacun sait, de source sûre, qu’il n’y a pas un être comme lui sur la terre, qu’il n’y a jamais eu un être comme lui depuis le début du monde, qu’il n’y aura pas un être comme lui jusqu’à la fin des temps. Comment le sait-il ?
    Chaque être sait qu’il est unique. Il est unique parce qu’il manifeste, en son mode, l’Unique (el-Wâhid) qui, lui-même, est la manifestation en ce monde de l’Un (el-Ahad). Comment l’Un peut-il se manifester tout en restant absolument lui-même ? En ne se manifestant jamais de la même façon, en se manifestant de manière toujours unique. L’Unique est la manifestation de l’Un, de même que l’indéfini manifeste l’Infini en ce monde. Ainsi chaque être, en réalisant qu’il est unique, réalise aussi qu’il est identique en cela à tous les êtres créés : c’est parce qu’il est absolument différent de l’autre (en condition) qu’il lui est absolument identique (en nature).
    C’est comme deux droites parallèles, dont on dit qu’elles se rejoignent à l’infini. En fait, elles ne se recoupent jamais, le processus de rapprochement étant proprement indéfini. Si on dit qu’elles se rejoignent à l’infini, c’est pour signifier que, ne se recoupant jamais sur le plan physique, elles sont identiques sur le plan métaphysique. C’est comme la lune qui se reflète sur la mare de deux étangs différents : ce sont deux reflets d’une même réalité. La réalité est une, et le reflet unique en son genre.
    La réflexion métaphysique n’est pas un processus mental. C’est pour cela qu’elle est logique. Elle seule est logique, à la différence des sciences qui ne sont souvent, dans leurs principes fondamentaux, qu’un tissu de superstitions. C’est par la logique que l’on discerne le vrai du faux : c’est ce que le Christ appelait le discernement des esprits.

    #50040
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    Unité et diversité
    La mère dit qu’elle aime chacun de ses enfants de manière identique, bien que chacun soit différent. En fait, elle les aime de manière identique parce que chacun est différent, singulier, incomparable. C’est parce qu’ils sont incomparables qu’elle les aime chacun autant : venant de la même source, si différents soient-ils, chacun a sa valeur, son identité propre.
    L’être spirituel se comporte exactement de la même manière avec les hommes : il les accepte tous, il les aime tous de manière identique (petits et grands, croyants et incroyants, gentils et méchants), non pas parce qu’il ne fait pas de distinction (il fait parfaitement la différence, et plus que quiconque d’ailleurs), mais parce qu’il sait que tous viennent de la même source, qu’ils en manifestent chacun un mode singulier à leur façon. C’était cela la position permanente du Prophète (el-maqâm el-fardaniyyah : la station de la singularité divine) : tous venaient à lui parce qu’ils sentaient (du verbe sentir) que, au moins une fois dans leur vie, ils ne seraient ni jugés ni rejetés, mais simplement aimés pour eux-mêmes, sans condition. Le Prophète leur rappelait l’amour inconditionnel de leur mère. Pour l’être spirituel, il n’y a pas de différence entre les êtres parce qu’il n’y a pas de comparaison possible entre eux: chacun est différent, chacun est unique, chacun est singulier. C’est en cela que tous les êtres sont identiques.
    C’est la même chose avec les parfums naturels : on ne peut aimer l’un plus que l’autre. Chacun est singulier, chacun est unique. C’est en ce sens que tous se valent. On ne peut comparer castoreum et rose, iris et hyraceum, chacun ayant une spécificité propre, unique, incomparable, que rien ne peut lui ôter. Chaque parfum donne, à sa façon, l’image de la totalité, d’une unité. Chaque parfum est complet en lui-même, entier, autosuffisant, n’ayant besoin de rien d’autre en dehors de lui pour exhaler la complétude qui l’habite. Chaque parfum est parfait en lui-même, parce qu’il est vivant, qu’il a été créé pour manifester l’odeur de son incomparable plénitude. C’est parce que chaque parfum est différent de l’autre qu’il est identique à lui : tous ont été créés, dans leur diversité indéfinie, pour revenir au même centre. Il n’y a pas d’unité sans diversité. Il n’y a pas de diversité sans unité. L’une et l’autre sont les deux côtés d’une même pièce.

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