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Santal de Mysore
(solution alcoolisée en spray)
La solution alcoolisée est à la fois fidèle et différente de l’essence de bois à l’état brut. Lorsqu’on sent le santal à l’état pur, on est un peu pris à la gorge par cette huile sirupeuse, cireuse, à la fois sucrée et acide, presque écoeurante, ayant comme un léger relent de moisi. En solution alcoolisée, le fauve est comme apprivoisé. La fragrance paraît plus douce, plus délicate, plus fine, plus profonde, plus aromatique, plus parfumée. Bienfait de la distance : comme un livre qu’on met à bonne distance des yeux pour pouvoir lire ce qu’il comporte. Ici, le bois paraît presque floral, dégageant un singulier arôme de vin boisé, comme s’il émanait d’un fût de chêne, sensuel et raffiné à la fois. Equilibre parfait entre ampleur et profondeur. A cette aune, on perçoit l’intérêt de le marier avec les autres parfums : il enveloppe tout en finesse, sans heurter, sans contrarier. Le mâle est devenu gendre parfait.
Aussi curieux que cela puisse paraître, ce fort caractère se met humblement au service des parfums auxquels il s’associe, agissant en arrière plan, oeuvrant en profondeur, ne laissant jamais émerger ses notes les plus insistantes, les plus caractéristiques, pour seulement contribuer à enrichir l’arôme des senteurs qu’il parvient à épouser de l’intérieur, de telle sorte que, en chacune de ces associations, c’est le parfum auquel il s’accorde qui apparaît en évidence, mais comme transformé par lui. Ce n’est pas tout de dire que le santal de Mysore magnifie les parfums qu’il rencontre : il faut préciser que c’est par l’effacement le plus complet qu’il permet à l’autre parfum, avec lequel il s’unit, de se transformer de lui-même, par lui-même. C’est en ne se montrant pas qu’il agit. N’intervenant jamais en premier plan, rien ne se fait pourtant sans lui, sa seule action de présence permettant au parfum épousé de se détendre, de se libérer, de disposer de lui, de s’exprimer tel qu’en lui-même. Cette position définit remarquablement le principe de l’autorité spirituelle. C’est en cela que le santal de Mysore, à l’instar de l’encens mâle, est essentiellement un parfum spirituel : non pas tant parce qu’il sert cultuellement à des rites (dans l’Hindouisme par exemple) que parce qu’il renvoie au parfum épousé, tel un miroir parfait, la plus haute idée de lui-même, la valeur de sa propre singularité. Il transforme l’être sans le changer, le renvoyant simplement à lui-même sans le dénaturer.
Techniquement, pour le parfumeur, le santal de Mysore est un trésor d’utilité : il fixe les notes de tête, il révèle certains parfums à eux-mêmes, il en transforme d’autres pour créer de nouvelles senteurs.
1) le santal joue un rôle de fixateur avec l’ambre gris, dont il fait perdurer la senteur de façon étonnamment stable (alors que c’est un parfum très volatile), tout en l’enrichissant de manière magnifique, lui donnant de l’ampleur, du volume, de la profondeur, sans pour autant dénaturer sa note si typée. Le santal devient ainsi un moyen concret de sentir l’ambre gris sur la durée. C’est simple mais c’est unique.
Il stabilise aussi l’encens, renforçant sa teinte un peu animale et sombre, atténuant ses notes les plus volatiles, les plus camphrées.
De même, avec le cèdre, le santal densifie ses notes les plus suaves, délicates, aériennes, pour leur donner plus de corps, plus de volume, mais tout en se faisant remarquablement transparent dans cette rencontre, apposant seulement cette touche subtilement ambrée qui lui est si caractéristique.
Le santal fixe également les parfums possédant surtout une note de tête, comme le galbanum, l’opoponax, le styrax, la bergamote ou le bois de rose. Il fixe la senteur un peu amère du galbanum, arrondissant ses notes les plus piquantes, sans dénaturer sa couleur.
Avec l’opoponax, le mariage est étrangement translucide : on se demande comment, dans cette union, le santal parvient à se faire si transparent. La note hespéridée de la résine est portée, soulevée, amplifiée par la présence invisible du santal, débouchant sur une couleur de fond, sorte de mandarine boisée, d’une extrême finesse.
Avec le styrax, la relation est tout aussi diaphane, le santal se contentant de fixer la note amandée si particulière de la fragrance.
La bergamote, quant à elle, est transportée, sublimée par le santal, celui-ci atténuant sa teinte un peu miellée pour lui apporter une touche boisée, musquée, d’une grande suavité. Ici aussi, le parfum perdure sans effort, porté par le santal comme une jeune femme dans les bras d’un homme.
Le cas est plus particulier avec le bois de rose, dont il recouvre la note hespéridée pour lui donner un cachet boisé, certes raffiné, très délicat, mais loin des touches si caractéristiques du bois de rose.
2) le santal joue aussi un rôle de révélateur pour d’autres parfums, dans le sens d’un révélateur photographique, faisant pour ainsi dire apparaître le parfum à lui-même. C’est le cas notamment du cyprès, dont les pointes amères et désagréables de la note de tête sont littéralement avalées par le santal, pour ne restituer, mais en plus dense, sa note de fond, à la fois sombre et boisée, légèrement camphrée et épicée, qui lui est si caractéristique. Le santal gomme ses aspérités, ne renforçant que ses points favorables.
Cela joue pareillement avec le genévrier, dont il renforce et arrondit simultanément les notes les plus typiques, procurant une sorte de patine à la fois herbacée, épicée, camphrée, subtilement encaustique, parfaitement dans le ton et l’esprit de la senteur d’origine.
De même, le santal adoucit les notes les plus vives du pin, les arrondissant pour les rendre plus vénusiennes.
Le couplage avec le vétiver est du même acabit : le santal lisse ses pointes les plus amères, les plus sèches, proposant une senteur plus douce, plus veloutée, plus arrondie, délicatement anisée, d’une très grande finesse.
Le santal ennoblit considérablement le benjoin, adoucissant ses notes les plus sirupeuses, un peu miellées, pour fixer dès le départ la note de fond si noble, si apaisante de la résine.
De même, il féminise un peu la vitalité virile du ciste, lui ôtant toute âpreté, renforçant ses notes les plus rondes, les plus sucrées, pour exhaler un sublime aromatique chaud, fruité, envoûtant, enivrant, irrésistible.
Avec la myrrhe, la rencontre est plus délicate, la senteur de la résine étant vite envahissante. Mais, à faible dose, le santal l’enrichit, arrondissant ses notes les plus lourdes, atténuant sa saveur très sucrée.
Par ailleurs, le santal porte, enrichit et approfondit la lavande, lui procurant un caractère solaire éclatant, la dotant d’une teinte boisée et ambrée remarquable.
Enfin, le santal rentre dans le castoréum comme dans une fourrure, agissant par en dedans, de telle sorte que celui-ci apparaît enrichi, le cuir du castoréum s’arrondissant avec le velouté du bois, ce qui donne un arôme moins fumé, plus délicat, plus raffiné, d’une grande finesse.
3) le santal joue enfin un rôle de transformateur avec d’autres parfums : l’osmose est par exemple étonnante avec le patchouli, dont il arrondit les angles et les acidités, pour lui procurer une teinte ambrée du plus bel effet, conduisant cependant à un arôme inédit, presque floral, sensuel et délicat, évoquant de manière surprenante le velouté de la rose.
Avec le laurier noble aussi, dont l’odeur cinéolée, fraîche et menthée se prête pourtant moins à des transformations, l’union donne lieu à un parfum déroutant qui, tout en reprenant les notes caractéristiques de l’arbre, emprunte des tons à la fois délicats et sauvages, fruités, animaux, épicés, floraux, basalmiques, évoquant le sucre du cacao et la vanille, le baume velouté du gingembre et de la coriandre, d’une originalité surprenante.
Avec la rose, la rencontre est voluptueuse, sensuelle, presque sauvage. Tapi dans le fond, n’apparaissant jamais, le bougre laisse la fleur évoluer librement sur le devant de la scène, atténuant dans l’ombre ses accents les plus vifs, ses touches les plus entreprenantes, pour la restituer finalement, grâce à cette attention muette, encore plus belle qu’elle est : feutrée, veloutée, boisée et musquée. Une grande leçon d’amour.
De même, la note acide, verte, piquante, sèche, pointue, poivrée et citronnée de l’élémi est à la fois adoucie, soutenue et enrichie par le santal, celui-ci procurant un baume boisé, ambré, apaisant qui patine sa teinte générale, ce qui produit une variété très intéressante d’hespéridé, sorte de limette très finement camphrée et épicée, de la plus grande originalité.
Il n’y a que la relation avec la mousse de chêne qui nous a paru un peu décevante, le santal adoucissant ses notes un peu acides pour fournir une teinte plus veloutée, plus ambrée, la rapprochant davantage de la mousse d’arbre, cette association conduisant plus à une réduction qu’à un enrichissement à proprement parler, les deux parfums s’évanouissant pour ainsi dire l’un dans l’autre, la note de fond, certes fine et suave, demeurant presque imperceptible.