#50047
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Cyprès
(huile essentielle)
J’aime toujours ces matières qui ne font pas dans la séduction immédiate et qui demandent un effort pour les apprécier (c’est tout le jeu de l’amour): la note de tête, piquante, montante, entêtante, amère, épicée, boisée, camphrée, légèrement encaustique, n’est pas très agréable. Il faut passer par ce désagrément pour constater que la note de fond, sombre et sèche, comme sous le couvert de l’ombre, assez sauvage, toujours sans séduction, est cependant intéressante : c’est une note de bois, ou plutôt de feuillage, assez sourde, un peu résineuse, toujours amère et sauvage, se situant dans les tons graves ou sombres d’une palette. C’est une couleur utile, intéressante pour le parfumeur, à associer aux couleurs chaudes, aux notes solaires et éclairées, aux senteurs rondes et vénusiennes, toute tendance recherchant son point d’équilibre pour retrouver l’unité. C’est le principe de l’amour : on tend vers son contraire, son complément. Le cyprès est un mâle qui ne joue pas au beau gosse : il plaira aux vraies femmes.
Commençons donc par la rose : la rencontre est digne, grave, sobre. L’union se fait en silence, gage de sérieux : ni badinage, ni batifolage. Le rapprochement est remarquablement équilibré, aucun ne mettant un mot au-dessus de l’autre. La rose s’introvertit, se calfeutre, se love dans le bois brut du cyprès, ce qui est bien le signe qu’elle est éprise : elle ne parle plus. Le produit ne donne ni un bois ni un floral, mais le fruit de leur union : un cyprose. L’amour, quand il est vrai, est remarquable de mesure, de retenue, de concision, de sobriété. On est loin des romances à l’eau de rose.
Associé à un pur aromatique, comme le bois de rose, le cyprès montre aussi son intérêt : il densifie et fixe les effluves de tête du bois de rose, arrondissant en même temps sa couleur de fond, ce qui donne un boisé aromatique un peu sauvage.