#50054
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Cèdre du Texas (ou genévrier de Virginie)
(huile essentielle)
Le parfum, sec, mat et boisé, presque floral en tête, est plus limpide, plus fluide que le cèdre de l’Atlas, tout en étant remarquablement fin et doux. En cœur, il évoque l’odeur typée de la sciure et, plus particulièrement, l’odeur des copeaux du bois que l’on utilise pour les crayons. Cette odeur, un peu sommaire, presque rustique, se densifie en note de fond, presque entêtante, dégageant une senteur encore plus mate et sèche, adoptant une patine sobre, presque austère, de boisé sec.
Moins subtil que le cèdre de l’Atlas, moins raffiné, plus terrestre, plus rudimentaire, le cèdre du Texas me fait penser à un homme de la terre, simple, presque archaïque dans sa mise, primitif dans sa nature, mais solide, robuste et ferme, qu’il serait déplacé de vouloir comparer à un homme de la ville, tant les critères d’appréciation sont divergents : chacun à sa place et au rang qui lui convient selon sa nature. Le cèdre du Texas possède d’ailleurs une qualité bien rare dans le monde sophistiqué et précieux des senteurs: sa simplicité. Simple, son odeur respire la cohérence, l’unité, la stabilité. C’est un parfum substantiel (au sens fort du mot, de la polarité terre), élémentaire (au sens des éléments – eau, terre, air, feu – qui régissent le monde physique). C’est une base, une assise, une fondation : ce sur quoi on s’appuie pour construire quelque chose de durable. On comprend qu’il soit apprécié par le parfumeur, comme note de base, pour les compositions boisées.

Le cèdre du Texas adoucit le cyprès ou le genévrier, leur apportant une patine boisée plus suave. Il atténue le camphre du laurier, rehaussant sa note boisée, instaurant un climat plus ouaté par une sorte d’effet nuage. Il tempère les effluves du patchouli avec le même effet brouillard, atténuant ses notes piquantes, rehaussant la couleur boisée. Il arrondit le vétiver, sans dénaturer son cachet, renforçant la note de bois sous-jacente. Plus étonnant : le santal est dominant dans l’échange au lieu de se fondre en lui. C’est l’humble cèdre qui se met ici à son service, restant en fond pour rehausser l’effet de bois. Il adoucit aussi les notes acides de la mousse de chêne pour rehausser, là encore, le cachet boisé. En fin de compte, comme on le voit, dans toutes ces associations, le cèdre du Texas est là pour rappeler la note générique du bois : c’est l’archétype olfactif du bois. Au-delà de sa valeur propre, c’est un repère, un étalon, une norme à lui seul.
C’est cette qualité de générique qui lui permet de s’approprier des odeurs venant d’autres matières que le bois pour leur donner une coloration boisée (restant cependant – et c’est là la performance – conforme à leur cachet): c’est ce qu’il fait par exemple avec le ciste. De même, il atténue la note réglissée de la myrrhe, l’enveloppant de son ouate boisée. Soit dit au passage, cela devient un moyen astucieux de l’inclure dans des compositions plus délicates. Il adoucit pareillement les accents un peu fauves du castoreum et du bouleau blanc, leur apportant un cachet boisé parfaitement harmonieux avec leur note de base.
Par ailleurs, le cèdre du Texas possède aussi la qualité d’être un remarquable absorbant : adoucissant les caractères, lissant les angles, gommant les aspérités, il permet à des senteurs un peu extrêmes de parvenir à une sorte de civilité : il modère par exemple les effluves impétueux du pin sylvestre, ce qui permet d’apprivoiser sa senteur, et donc en pratique, de pouvoir l’inclure dans des fragrances plus fines. L’accord, du reste, entre le cèdre du Texas et le pin sylvestre est vraiment magnifique, faisant mieux ressortir la richesse, et surtout la subtilité de ce dernier : par l’effet buvard, il crée une distance ; par la distance, il permet une lecture plus compatible de sa senteur. Il dompte pareillement la nature sombre et sauvage du pin noir de Corse (le pin laricio), ce qui permet, là encore, faisant sortir le fauve de ses fourrés, d’envisager de l’associer à des senteurs plus raffinées. L’accord, ici aussi, est édifiant de conciliation, d’acclimatation, de tempérance.