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Ambre gris (suite)
Plus on sent l’ambre, plus on s’y attache. La première note, si désagréable au départ, devient ensuite le cachet, l’originalité de cette fragrance si typée, si singulière. Un ou deux jours après avoir mis le parfum sur la peau, on est étonné de constater que, inopinément, la senteur de l’ambre peut revenir brusquement à la conscience, comme une réminiscence spontanée.
Après tout, si pendant tant de siècles, les hommes se sont tant intéressés à cette sécrétion intestinale qui, sortie de l’estomac du cachalot, ballotte pendant plusieurs années pour finalement échouer sur les plages, c’est qu’il y a peut-être, dans ce dépôt si mystérieusement transmis aux hommes par un des plus grands mammifères marins de la planète, comme une sorte de « message olfactif » qui, au-delà de sa fonction animale (et notamment reproductive), comporte une signification plus profonde.
A ce sujet, il est tout de même difficile de passer sous silence le récit biblique du prophète Jonas qui, avalé par une baleine, est finalement régurgité par elle, du fond du ventre, pour être « ressuscité ». Dans cette allégorie, la baleine symbolise l’être lui-même, recélant, en son corps même, le germe de son immortalité. Ce qui peut signifier, du point de vue initiatique, que c’est en réalisant le fond de son identité (le fond de son « ventre ») que l’être parvient effectivement à sa délivrance.
Force est de constater qu’il y a vraiment une analogie troublante entre ce récit symbolique, mettant en scène emblématiquement l’homme et la baleine, et l’évidence de ce fait que, depuis des siècles jusqu’à nos jours, l’homme ne cesse d’entretenir avec le cétacé cette relation étrange, presque « surréaliste », récupérant à son profit les boules puantes que le mammifère régurgite du fond des mers, pour en extraire le plus singulier des parfums.